La Mémoire
La mémoire est ce qui fait de nous des êtres uniques, avec des connaissances, un vécu et des projections dans le futur. La mémoire fascine depuis toujours, on réfléchit depuis longtemps à son rôle, à sa représentation. Mais il n'y a pas qu'une mémoire, nous sommes en fait composés de plusieurs mémoires. C'est ce que nous allons voir par la suite.
Les théories de la mémoire
Il existe deux grands types de modèles lorsque l'on parle de la mémoire :​
Le modèle structurel ou modal
Le modèle fonctionnel
Le modèle structurel
Atkinson et Shiffrin (1968)
Il s'agit du modèle le plus utilisé. Une entrée d’informations a lieu puis nous avons à faire à trois modules : le registre sensoriel, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Ensuite vient la sortie d'informations.
Le modèle fonctionnel
Les niveaux de traitement de Craik et Lockhart (1972)
Dans le modèle fonctionnel, on parle de processus de mémoire. Ces processus sont l’encodage, la récupération ou encore l’oubli. Nous allons surtout nous focaliser sur les deux premiers processus afin d'expliquer le dernier.
L'encodage
Le modèle de Craik et Lockhart nous dit que pour se souvenir d’une information, il suffit de la traiter profondément lors de l’encodage et pas de la passer en mémoire à long terme, comme on a pu le voir dans le modèle structurel. Donc plus une information est traitée profondément lors de l’encodage, plus on va s'en souvenir par la suite. C’est le principal représentant sur les théories sur l’encodage.
Pour illustrer ça, une petite expérience a été faite : une question est posée avant chaque présentation de mot, à laquelle les sujets répondent par oui ou par non. Il y a 3 types de questions : des questions typographiques, des questions phonologiques, des questions sémantiques. Une fois que les participants ont vu les 120 mots et les 120 questions, on effectue un rappel libre des mots.
Nous pouvons voir que les participants rappellent mieux les mots qui ont suivis les questions sémantiques et moins bien ceux qui ont suivis les questions typographiques.
Il s'agit d'une manipulation du niveau de traitement, et ce dernier est plus profond quand il s'agit d'un traitement sémantique. Cela fonctionne que l’on soit en apprentissage incident ou intentionnel. Ici l'expérience était en apprentissage incident et les auteurs ont rajouté par la suite un apprentissage intentionnel. Ce dernier groupe a le même niveau de rappel que le groupe sémantique.
Ils en ont conclu que l'on se rappelle des mots même sans avoir voulu les apprendre intentionnellement car le niveau de traitement est profond.
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Ils ont donc voulu en faire une hypothèse générale d’explication de l’oubli, des troubles de la mémoire, de problème de mise en œuvre de traitement profond/sémantique, comme dans la maladie d'Alzheimer. Même si généralement, on explique les troubles de mémoire avec les modèles structuraux comme quoi la consolidation en mémoire à long terme ne se fait pas, puisque ce modèle ne peut pas tout expliquer.
La récupération
Il s'agit du fait de récupérer, ou non, des informations en mémoire pour les restituer ou les utiliser.
Dans ce modèle, il existe une théorie, qui est celle de la spécificité d’encodage, mais qui porte sur la récupération en mémoire.
Pour cela, on fait apprendre des paires de mots, qui sont très liés sémantiquement, comme Soleil et Sable par exemple. Soleil sera la cible puisqu'il faudra le rappeler, et Sable le contexte, car dans l’apprentissage la cible est liée au contexte.
Si on fait un rappel indicé avec Sable pour faire dire Soleil, on utilise un indice de récupération qui est Sable.
Ensuite on fait apprendre une paire de mots peu liés, comme Soleil et Carotte, avec toujours Soleil comme contexte.
Nous pouvons voir que nous sommes meilleur au rappel dans le cas où les mots sont liés.
Cependant, si nous faisons seulement apprendre Soleil et Carotte ensemble, et que les indices de récupération sont Carotte et Sable, il y aura de meilleurs résultats pour ceux ayant appris la paire de mots même s'ils ne sont pas vraiment liés sémantiquement. En effet, quand nous apprenons une information, n’importe laquelle, cela se fait toujours dans un contexte. Le contexte d’apprentissage sera toujours un meilleur indice de récupération que n’importe quelle autre information.
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Cette théorie est aussi une théorie qui a essayé d’expliquer l’oubli, en disant qu’il y a oubli quand il a écart entre le contexte d’apprentissage et le contexte de récupération.
Après avoir vu les grandes théories de la mémoire, faisons un tour du côté de l'anatomie du cerveau en lien avec la mémoire.
Système nerveux central et mémoire
Selon MacLean, l'ontogenèse (développement de l’individu) récapitule la phylogenèse (développement des espèces). Elle passe par les mêmes étapes que cette dernière. C'est ainsi qu'il a développé sa théorie.
Nous aurions trois grandes parties dans le système nerveux central, selon sa théorie du cerveau triunique, qui communiquent entre elles :​​​
Ce serait donc dans le cerveau ou système limbique que nous trouverions majoritairement les éléments anatomiques responsables de la mémoire. Allons maintenant plus loin dans l'anatomie du cerveau pour voir quels sont les systèmes impliqués en particulier et leurs composants.
Circuit de Papez
On trouve ce système à l’intérieur du système limbique. Il a été découvert par Papez et, bien qu'il soit impliqué dans le contrôle des émotions, toute lésion bilatérale de ce circuit va entraîner une amnésie.
Il est constitué de quatre structures principalement. On appelle ce circuit, le circuit HMTC pour hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire.
L'hippocampe
C'est grâce au patient HM, que l'on a découvert l'importance des hippocampes dans la mémoire. HM avait une épilepsie temporale, c'est à dire que ses neurones se mettaient à décharger en même temps, ce qu'on appelle une hypersynchronisation d’une partie du cerveau.
Le foyer épileptogène, l’endroit du cerveau d'où part la crise était temporal. Le foyer se trouvait donc dans l’hippocampe et il s'agissait d'une épilepsie insensible aux médicaments.
Des chirurgiens vont décider de lui enlever les hippocampes. HM n’avait plus de crise mais une amnésie majeure, que l’on appelle amnésie bitemporale.
On sait aussi que les hippocampes sont importants grâce à la maladie d’Alzheimer ou la DTA, la démence type Alzheimer. C’est une pathologie neurodégénérative qui se caractérise par une perte neuronale accélérée que l’on ne peut pas arrêter et qui démarre par les hippocampes.
Les corps mamillaires
Les corps mamillaires se trouvent derrière l’hypothalamus et des lésions bilatérales de ceux-ci vont donner des amnésies. Le premier syndrome décrit par la neuropsychologie, qui se caractérise par des lésions bilatérales des corps mamillaires, est le syndrome de Korsakoff. Ce syndrome se caractérise par une amnésie, des troubles moteurs périphériques, mais aussi des problèmes frontaux. Les corps mamillaires sont rouges et énormes dans ce syndrome.
Le thalamus
Les thalamus sont deux noyaux que l’on trouve de chaque côté du troisième ventricule où l'on peut trouver le Liquide Céphalo Rachidien. A l’intérieur du thalamus, il y a de la substance blanche et toutes les informations qui arrivent de la périphérie y passent avant d’être projetées sur le cortex. Mais toutes les informations qui partent également du cerveau pour aller à la périphérie font relais par le thalamus.
Il est composé de différents noyaux et le noyau antérieur fait partie du circuit de Papez, après être passé par l’hippocampe puis les corps mamillaires.
Le thalamus n'est pas composé que de noyaux relais. Il y a aussi le système spécifique et le système non-spécifique, ou système thalamique diffus. Ce dernier démarre dans la formation réticulée, dans le tronc cérébral, et on peut trouver des noyaux diffus dans la substance blanche. Les informations de la périphérie vont passer aussi sur un noyau diffus en plus des noyaux spécifiques et se projeter en vrac sur le cortex. Ce système va réguler le niveau d’activation cérébrale/la vigilance.
Le cortex cingulaire
Cortex cingulaire postérieur
Le circuit de Papez se termine avec le cortex cingulaire se trouvant au-dessus du corps calleux. Le cortex cingulaire postérieur est notamment impliqué dans la mémorisation et l'orientation topographique. Il est activé lors de rappels de souvenirs dits autobiographiques mais aussi dans la perception des visages qui nous sont familiers.
Il y a ensuite un retour vers l'hippocampe grâce à un réseau de fibres : le cingulum.
Cortex cingulaire antérieur
Le circuit de Papez est donc le circuit de la mémoire. Il est responsable de la mémoire déclarative ou autobiographique, qui est la mémoire de notre vie, première mémoire touchée dans les amnésies.
Les noyaux gris centraux
On les appelle aussi les ganglions de la base. Ils sont constitués du noyau caudé, du putamen, du globus pallidus, du noyau sous-thalamique et de la substance noire.
Avant toute chose, il faut savoir que pour gérer la motricité, il y a deux grands systèmes : le système pyramidale et le système extrapyramidal.
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La motricité pyramidale est le système de la motricité volontaire, qui part du cortex primaire, au niveau de la scissure de Rolando.
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Le système extrapyramidal, quant à lui, est le système de la motricité involontaire, qui passe par les noyaux gris centraux, dans la partie profonde du cerveau. Ce système a des boucles de rétroaction et comprend aussi le cervelet. Il s'agit d'un système d’ajustement de la commande motrice, de la coordination motrice, du tonus musculaire.
Mais quel est le lien avec la mémoire ? C’est la mémoire procédurale qui est impliquée dans ce système extrapyramidale, la mémoire des procédures sensori-motrices sur-apprises/automatisées. Elle sera donc affectée dans les pathologies extrapyramidales.
Les informations de cette section proviennent en majorité des notes prises durant le cours de Monsieur Bernard N'Kaoua en Mémoire et Fonctions Exécutives du semestre 4 de la L2 MIASHS.